Un jour, Mavi m’a invitée dans son atelier et m’a présenté sa série d’animaux bizarres, ses portraits de villes, ses couples de forêts, ses paysages célestes et marins, ses constructions de femmes, ses poissons à la ligne. J’ai suivi l’évolution de son trait noir au fil des ans. Elle m’a tout montré et j’ai tout photographié. Je suis rentrée en contact avec ses matières et ses matériaux : cadres, châssis, toiles, papiers, tissus, boiseries, voilages.
Peu à peu, je me suis familiarisée avec ses processus de fabrication et ses différentes techniques souvent renouvelées : dessin, sérigraphie, peinture, empreinte.
Quand nous nous sommes rencontrées en 2010, Mavi était animée par l’étrange univers de Dino Buzzati et je l’ai vue frayer son chemin en posant les jalons d’une esthétique hybride et surprenante mêlant figurisme et abstraction. J’ai aperçu le papier raclé à l’encre, les motifs apparaître et disparaître, les retouches ici et là au feutre fin ou au stylo à bille. J’ai parcouru ses carnets personnels et collectifs, ses livrets uniques, je les ai regardé de près et de loin comme si je cherchais à comprendre pourquoi, comment. Comme si je voulais saisir ce qui se tramait derrière cette alchimie de formes singulières et de couleurs sobres.
Pourtant, malgré la rencontre, les questions et les réponses, le silence, nos échanges et nos collaborations, ce qui était montré ou suggéré avec humour, sentiment et nostalgie, je ne suis jamais parvenue à définir le mystère qui se logeait derrière chacune de ses œuvres. Et quand elle m’a demandé avec confiance et complicité d’écrire quelque chose qui présenterait son travail et sa démarche, j’ai d’abord été préoccupée.
Réalisant soudainement que l’amie souriante, la femme chaleureuse et déterminée ne faisait qu’une avec l’artiste secrète, subtile et philanthrope s’exposant plus volontiers dans les lieux publics en lien avec une vie de quartier, que dans les lieux privés emprunts de salutations convenues. Abécédaire d’émotions, recueil de traces de pinceaux, tout est affaire de recherches incessantes chez Mavi, comme si elle composait à voix haute et imprimait directement son énergie sur ses supports d’expression.
C’est dans un rythme soutenu et vivifiant qu’elle conçoit ses œuvres graphiques, laissant de côté ses premiers amours avec la restauration. Et c’est en s’autorisant tous les écarts possibles pour réfléchir à sa pratique, qu’elle s’est appropriée les savoir- faire de la sérigraphie.
Mavi laisse émerger des œuvres parfois minimalistes hantées de signes raturés, pointillés, géométriques comme pour brouiller les pistes.
Le hasard et les coïncidences font partis du jeu, de son jeu: des coulées d’encre comme autant de blessures involontaires, des éclats de peinture, des glissements de papier au moment de l’impression. Entre maîtrise et gestes accidentels, elle trouve la juste voix pour que ce ne soit ni trop, ni pas assez.
Son travail n’est pas là pour séduire mais pour exprimer un vif ressenti.
Elle réside à Utopia depuis 2009, un collectif d’artistes où l’échange et la rencontre permettent l’émergence de travaux communs, de quoi nourrir le cours des ses recherches et de ses perceptions. Enfin quoi qu’il en soit, que le travail de Mavi évolue seul ou avec d’autres, de manière sauvage ou docile, le mystère persiste, et peut-être est-il préférable d’en rester là sans rien soulever, sans chercher à en savoir plus.
texte de catalogue: Clémentine Corbeil-Obst.
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Mavi Boiano
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